Le Bonhomme de Neige et le Corgi

- Quel beau froid il fait aujourd'hui! dit le Bonhomme de neige. Tout mon corps en craque de plaisir. Le ciel est gris et bas, et ce vent cinglant, comme il vous fouette agréablement ! Je voudrais qu'il dure toute la vie!

Ce Bonhomme de neige était né dans la cour de la ferme, au milieu des cris de joie des enfants, une après-midi glacée de décembre. Le pâle soleil se coucha et la pleine lune monta dans le ciel; ronde et grosse, claire et belle, elle brillait au noir firmament parmi les étoiles.

- Si seulement je savais ce qu'il faut faire pour bouger de place! dit le Bonhomme de neige en soupirant. J'aurais tant de plaisir à me remuer un peu! Si je le pouvais, j'irais tout de suite me promener sur la glace de l'étang et faire des glissades, comme j'ai vu faire les enfants tout à l'heure. Je voudrais aussi voyager, découvrir le monde et ses merveilles... Mais je ne peux pas bouger.

- Ouah! Ouah! Aboya le petit Corgi de la maison, qui était de garde dans la cour ce soir-là. Maintenant qu'il était âgé, il était un peu enroué l'hiver venu, et il ne pouvait plus aboyer juste. Mais il aimait toujours autant discuter avec les petits hôtes des environs de la ferme en hiver, mésanges et rouge-gorges, renards et belettes, sans oublier les minuscules fées du givre que seuls les Corgis peuvent apercevoir. Le soleil t'emmènera bientôt en voyage! dit-il au Bonhomme de neige. Je l'ai bien vu pour ton prédécesseur, pendant l'hiver dernier. Ouah! Ouah!
- Je ne te comprends pas, répondit le Bonhomme de neige. Comment pourrait-il me faire voyager?
- Tu ne sais rien de rien, répondit le petit Corgi ; mais il est vrai que tu ne découvres le monde que depuis peu. Hier, il neigeait quand les enfants sont rentrés de l'école. C'est ainsi que tu as vu le jour. Mais lorsque le soleil reviendra demain, tu peux m'en croire, tu commenceras une grande aventure...
- Mais comment cela? le Bonhomme de neige était plus que jamais perplexe.
- Nous allons avoir un changement de temps. Je ressens cela à ma patte arrière gauche. Ouah! Dès que la température remontera un peu, tu vas fondre doucement et te transformer en eau. D'ici, tu couleras et rejoindras le ruisseau, là-bas, derrière la grange. Ce ruisseau mène à la rivière, et la rivière mène à la grande mer qui commence après les champs et les collines, là où le soleil va se cacher le soir venu.
- Mon ami, toi qui es dans le monde depuis plus longtemps que moi, sais-tu s'il est douloureux de fondre? demanda le Bonhomme de neige un peu inquiet. Je ne connais de la vie que le froid...
- Pas du tout, répondit le petit berger. Tu ne sentiras presque rien. Juste la caresse du soleil! Et crois-moi, elle est plus tendre que cette brise glaciale, foi de Corgi!
-Me voilà rassuré, souffla le Bonhomme de neige. Mais une fois arrivé dans la mer, que m'arrivera-t-il? questionna-t-il encore.
- C'est le plus beau! Ouah! Ouah! aboya encore une fois le petit berger, très satisfait de lui-même. Il arbora un immense sourire et tourna trois fois sur lui-même. Vois-tu le petit nuage qui s'échappe de ma gueule lorsque j'aboie? C'est de la vapeur d'eau et c'est ainsi que tu monteras de la mer jusqu'aux nuages du ciel qui te transporteront vers d'autres pays que celui-ci. L'hiver prochain, tu renaîtras sous forme de flocons de neige, et si tu es adroit, tu t'arrangeras pour tomber près d'un lieu où des enfants jouent... comprends-tu ?


Le temps changea en effet. Vers le matin, un soleil éclatant se mit à faire scintiller la campagne immaculée. Toute la contrée ressemblait à une forêt de corail blanc. Les fées du givre avaient bien travaillé toute la nuit. Encore engourdi, le coq se mit à chanter. Très vite, les premiers rayons réchauffèrent la campagne, juste ce qu'il fallait pour faire fondre la neige sur la terre glacée et pour faire chanter les merles.

Tandis que le petit Corgi s'était endormi à la cuisine, bien au chaud près du poêle, le Bonhomme de neige commença à goutter, puis à suinter, de plus en plus vite, jusqu'à dégouliner de tous côtés. A midi, il ne restait presque plus rien de lui. Ses deux gros yeux de charbons étaient posés au sol et les petits oiseaux avaient emporté la carotte qui lui avait servi de nez.

Mais derrière la grange, près du champ où le Corgi accompagnait habituellement son troupeau, on entendit bien ce jour-là la chanson claire et joyeuse de l'eau du ruisseau à laquelle s'était mêlée le Bonhomme de neige maintenant fondu, tout heureux de commencer le grand voyage que son ami le chien lui avait promis.

©Béatrice Quinio 2015
inspiré par Christian Andersen "Le Bonhomme de Neige"


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18.11.2022