La grande aventure de Milou aux USA - Chapitre 1
Envoyé par Vicki Northway

Première rencontre avec "Milou".
C'est grâce à mon amie Patricia Seifert (CAAMORA) que j'ai rencontré Milou en octobre dernier. Milou, qui s'appelle sur son pedigree CH. de France, de Belgique et Internationale Shamquin Emei Shan, est née en France chez Béatrice Quinio et appartient à Béatrice Quinio et Patricia Seifert. Pat venait d'élever une portée avec Milou, les chiots étaient déjà grands, et comme elle était bien occupée avec eux elle a amené Milou sur ma propriété pour qu'elle prenne quelques vacances et que je la teste avec le troupeau. J'adore emmener des jolis chiens dans une arène de travail et prouver que nos Corgis sont capables de tout faire. J'étais donc excitée de rencontrer Milou.


Milou

Rapidement après son arrivée, j'ai accompagné Milou à l'enclos où je travaille pour observer ses premières réactions. Pat était persuadée que Milou pourrait travailler, et nous étions toutes les deux anxieuses de voir comment elle se comporterait. Milou était curieuse, joyeuse et complètement décontractée dans ce nouvel environnement. En dépit du fait que la journée était chaude, qu'elle ne m'avait jamais vue auparavant, ni le troupeau, ni évolué dans une ferme ("ces odeurs, hmmm, quelle merveille!" devait-elle penser), Milou fixa immédiatement et intensément son intérêt sur les moutons. Cela ne semblait pas la gêner qu'ils fassent cinq fois sa taille. Que se soit sa queue très remuante ou son attitude qui disait clairement : "laisse-moi aller les voir", les moutons sont partis d'un seul coup et Milou a suivi en les contournant pour me les ramener. Ca y est, elle était "accro". Je devrais ajouter qu'elle était également intéressée par mes poules et mes autres moutons qui se trouvaient au loin, de l'autre côté de la clôture. Cela deviendra un problème récurrent avec elle dans son travail futur. Après qu'elle soit revenue à son point de départ pour saluer Pat et lui aboyer un : "hé, tu m'a vue travailler?", nous avons conclu, en nous basant sur sa conduite instinctive et son intelligence de la situation qu'elle montrait là sans aucun doute un gros potentiel.


Les compétitions de troupeaux en Californie, où j'habite, son en été alors qu'il fait très chaud. Il était prévu que Milou retourne chez Pat au printemps. Pat et moi avons trouvé un premier concours à San Diego, Californie, où nous pouvions l'engager fin janvier, à quatre mois de distance. Il y avait beaucoup d'incertitudes : est-ce que les pluies d'hiver Californiennes nous empêcheraient de nous entraîner? Est-ce que Milou progresserait suffisemment rapidement pour pouvoir se présenter à ces premières épreuves, et surtout, est-ce qu'elle accepterait de travailler pour moi avec la pression d'un si court délai?

Le Troupeau est un sport intense. Ce que vous demandez au chien de faire n'a peut-être rien à voir avec ce qu'il aurait envie de faire. Des chiens peuvent posséder l'instinct de contrôler ou de rassembler un troupeau, mais ils n'auront pas forcément l'envie de travailler pour quelqu'un. Le tempérament dans ce cas un est facteur important : certains chiens sont trop agressifs, d'autres trop inquiets, d'autres encore manquent de cet intérêt intense et de cette énergie interne qui leur permettra de travailler dur. Considerez le fait qu'un parcours d'agility dure 30 secondes, qu'un chien qui doit se présenter dans un ring d'expo doit rester immobile et marcher pendant quelques minutes, et que le chien de berger doit travailler pendant une dizaine de minutes intenses, parfois à un rythme effréné. Sans oublier que pour la même distance, notre race naine a besoin de faire plus de pas qu'un grand chien... comme un enfant qui marche aux côtés d'un adulte, si vous voyez ce que je veux dire.


Pat et moi aimons le challenge alors nous avons décidé de préparer Milou pour les épreuves de troupeau de l'AKC ("un titre ou deux, Pat? Oh deux bien sûr, tentons le HT ET le PT"). Comme handler et comme conducteur, j'ai pas mal d'expérience, et comme Milou a de la ressource, j'ai décidé de lui donner sa chance. Et si jamais nous ne nous qualifions finalement pas pour les deux épreuves, eh bien, nous aurions toujours une belle aventure à la clef et des histoires à raconter. Et puis, on se doutait que Milou passerait du bon temps à jouer les chefs avec le troupeau.

Si vous ne connaissez pas Milou, elle est opiniâtre, confiante, finaude et drôle. Je l'adore parce qu'elle me rappelle "Hella", ma tricolore à tête noire de 14 ans, Sua Mah Tradewind HSAc HXAsd, élevée par Judy Hart. Les titres qui suivent sont nom signifient: Herding Started A Course cattle (bovins) et Herding Advanced A Course sheep & ducks (moutons et canards). Hella est une chienne d'expo, une chienne de ranch et une chienne de Trial. J'aime les chiens rudes à la tâche. J'aime les chiens intelligents. J'aime les chiens qui ont du coeur. Pendant les 15 semaines d'entraînement, nous avons amené Milou à retrouver une condition optimale, nous l'avons acclimatée à l'hiver chaud et avons attendu de voir si elle passerait le vrai test: cette jeune chienne qui venait juste de me rencontrer allait-elle me faire confiance, à moi, une étrangère? Comme vous les éleveurs le savez, le lien de confiance que l'on construit avec un chien que l'on a fait naître est très particulier. Je n'avais pas cet avantage avec Milou. Je lui demandais, bien qu'elle ait été élevée par Béa et soignée avec amour par Pat, de me suivre désormais et de faire tout ce que j'allais lui enseigner.


L'entraînement.
Laissez-moi vous rassurer sur le fait que bien que notre but soit ambitieux, les étapes de l'entraînement furent réalisées graduellement, tout comme sa mise en condition physique. Au départ, on limite toute réprimande et chaque petit pas de fait est lourdement encouragé. Toutes ces années de "Tu ne chasseras pas le chat" furent remplacées par "On y va, yeah, bon chien, bon chien!". Les ordres que l'on donne sur troupeau sont limités, et le niveau de travail que je demandais à Milou était dans l'ordre de ses capacités. Elle a appris: "Fetch" (ramener et maintenir le troupeau près de moi); "Wear and Cover" (décrire des cercles pour circonscrire le troupeau); "Down" (se coucher sur mon ordre); "Wait" (attendre); "Come" (venir); "Look Back" (regarder par derrière son épaule pour vérifier qu'aucun mouton ne s'est écarté du troupeau). Ce dernier ordre est donné lorsque le conducteur veut signaler au chien un mouton qui s'est éloigne sans qu'il ne l'ait repéré. Le chien doit alors quitter le troupeau pour récupérer le mouton fuyard. C'est un test d'obéissance et de compréhension de toute la finalité de sa mission de berger: garder les moutons unis ensemble.

Pendant ce temps de préparation, Milou a fait pas mal de route pour aller travailler dans des lieux inhabituels, et partout dans la maison, dans le jardin et aussi avec le troupeau je l'entraînais aussi pour se coucher, rester sans bouger ou revenir immédiatement à mon appel (ce que le chien doit savoir faire au travail si jamais il lui prend de quitter le troupeau pour aller manifester de l'intérêt ailleurs). Le tout en utilisant seulement la voix et les encouragements, et la canne utilisée par les bergers pour diriger le chien, ou le bloquer. Nos sessions de travail au contact des bêtes se sont déroulées de façon calme, disciplinée, en faisant faire aux moutons des parcours circulaires dans mon arène de travail, puis en les ramenant dans leur enclos. La liste des choses qui peuvent aller mal lors d'une compétition de troupeau est longue, et alors que vous pouvez entraîner votre chien, pas moyen d'entraîner les moutons. Les distractions sont inévitables. Et il y a aussi les juges et leur interprétation des règlements. Je vous le demande: Avez-vous jamais concouru sous un juge sans comprendre ce qu'il a pu observer et qui lui fait dire vous auriez échoué? Eh bien, il peut se passer la même chose en Troupeau.


Les épreuves.
Les horaires des Classes de Test à San Diego étaient inhabituelles parce ce que les quatres passages (deux pour le HT et deux pour le PT) étaient concentrés sur deux jours et non pas quatre, comme cela se fait normalement. A la place d'un passage le samedi et un le dimanche pendant deux weekends, deux passages (HT et PT) se suivaient l'après-midi d'un samedi, et les deux autres l'après-midi du samedi suivant. Bien que cela soit possible selon le règlement troupeau AKC, ce genre d'horaire est très dur pour des chiens novices (deux passages coup sur coup). Nous avons décidé de prendre le risque pour permettre à Milou de revenir un jour en France avec un souvenir américain. Nous voulions ces titres.

Cette compétition de San Diego était un événement d'ampleur. Elle se déroulait sur 10 jours en tout, avec plus de 100 chiens engagés certains jours. Avec son sourire coquin et sa queue remuante, Milou a toujours eue une attitude volontaire et curieuse. Comme si elle voulait toujours nous dire: "Okay. Ca je peux le faire. Bon, qu'est-ce que tu veux que je fasse ensuite?" Cet état d'esprit était parfait car elle regarda tout autour d'elle et se tint comme une pro sur le lieu de la compétition et à l'hôtel. Ou peut-être était juste une réminiscence de son passé de chien d'expo. Milou remporta son titre de Pre-Trial et réussit l'un des passages du Herding Test. Nos passages furent mémorables mais aussi un rappel que nos chiens sont là pour nous garder humbles.


Sur le lieu de la compétition, Milou attirait les foules ("Un Pembroke avec une queue? Allons voir"). Le premier samedi, Milou réussit son passage en Herding Test avec un minimum d'histoires et un maximum d'aboiements. En plein travail, elle se permit même un crochet vers le public pour aller saluer son audience. Lorsque nous passâmes de l'arène du Herding test pour aller vers celle du Pre-Trial (soit d'un enclos de 30 X 30 mètres vers un enclos plus grand de 30 X 60 mètres), cela devint problématique. Par derrière la fond de cette arène, là où se trouvent les panneaux qui délimitent le parc à moutons, se trouvait un autre champ rempli de vaches.

Milou fit un bon travail pour aller chercher les moutons et les amener vers leur enclos, au bout de l'arène. Mais alors que nous allions terminer ce travail, elle glissa son museau sous la bâche de protection qui délimitait l'arène et essaya d'aller atteindre les vaches ("A moi, à moi, tous le bétail est à moi!"). Son aboiement joyeux et ses manières amusèrent beaucoup l'assistance, mais lorsque ce fut le moment de parquer les moutons, son problème de gourmandise se répéta: elle ne voulait pas seulement de son groupe de 3 moutons, elle voulait aussi la trentaine de moutons dans le parc voisin. Après avoir réalisé qu'elle ne pourrait pas rassembler tous ces moutons-là avec les siens (elle a même essayé de creuser sous la clotûre à un moment!), nous avons achevé le passage du Pre-Trial, et comme les passages du jour en Herding Test et en Pre-Trial étaient tous les deux réussi (qualifiants), nous étions à mi-parcours des deux titres.



Le weekend suivant, il faisait chaud. 30°C. et pas un endroit ombragé sur le terrain de concours. Les organisateurs avaient interverti l'ordre de passage des classes: d'abord le PT, alors que le weekend précédent, on démarrait par le HT qui est une classe plus facile. Des balles de paille avaient été disposées pour les épreuves, ce qui créait une forte attraction pour les moutons. Cela rendait le travail d'un chien débutant encore plus compliqué. Milou n'est pas seulement un Pembroke, c'est un Pembroke avec des petites pattes courtes, les plus typiques et adorables qui existent, et bon sang, elle dut travailler dur. L'arène était sablonneuse (terrain plus fatiguant à parcourir et plus chaud pour les pattes). Grâce à la paille, les moutons prenaient toutes les occasions de s'éloigner pour y retourner, forçant Milou à devoir aller à chaque fois les y rechercher et tout recommencer. Elle fit son travail et elle le fit bien, mais c'était épuisant. La juge, conquise, passait son temps à répéter que j'avais là un chien extra, et combien nous allions nous amuser si nous continuions à travailler ensemble sur troupeau.

C'est alors que nous avons du faire face à notre challenge suivant. Parce que les horaires avaient été modifiés et que certains des chiens engagés avaient manqué leur passage, nous avons du quitter la première arène pour enchaîner immédiatement, et sans temps de repos, dans la seconde arène pour la Classe HT. Bien que le travail de cette Classe soit plus facile, Milou n'eut aucune possibilité de reprendre son souffle, de se rafraîchir un peu, et bien sûr moi non plus. Nous sommes donc allées et avons commencé à rassembler les moutons selon le schéma plus simple de cette épreuve, mais en route, Milou avait remarqué un point d'eau (un grand abreuvoir destiné aux bêtes). Elle y alla une première fois pour boire et je la rappellai immédiatement pour qu'elle revienne aux moutons. Alors, elle emmena les moutons vers ce point d'eau... et plongea tout entière dans l'eau fraîche... et voilà les moutons éparpillés à nouveau. Les moutons avaient compris que Milou était un chien fatigué et souffrant de la chaleur, donc distrait, et ils tirèrent tout cela à leur avantage de la même manière que les moutons de la Classe PT avaient déjà essayé de le faire. Le même juge qui avait chanté partout les louanges de Milou en disant à qui voulait l'entendre qu'elle était un petit prodige décida d'un seul coup que Milou ne progressait plus et stoppa là notre épreuve, la disqualifiant de facto pour ce second round du HT.


Comme Milou avait déjà réussi les deux épreuves du Pre-Trial et par conséquent avait obtenu son titre PT, qui est d'un niveau plus élevé et prévaut sur le titre HT, elle ne pourra pas re-concourir pour repasser le HT. Tout ce qui venait de se passer me rappela combien les Pembrokes sont des chiens intelligents qui prennent soin d'eux-même... et Dieu merci pour cela! Cela me rappela aussi combien je peux devenir irritable lorsque je ne réussis pas une épreuve. Bonnie Smith, une amie américaine de Béa et fan de Milou, était venue à l'épreuve pour nous encourage. Pat et elle me rappellèrent enfin qu'après tout, nous avions obtenu ce pourquoi nous étions venues là: un titre de troupeau AKC pour un petit chien français.

Pour finir, je pourrais encore vous raconter plein d'histoires au sujet de Milou : comment elle réussit à charmer une classe entière d'étudiants de l'université qui étaient complètement abasourdis qu'un chien français puisse comprendre des ordres en anglais! Ou comment cette canaille parisienne m'aide dans toutes mes activités à la ferme et aussi lorsque je jardine. Ce que je voudrais vous dire, c'est que si Milou est représentative de l'élevage en France, vous faites vraiment du bon travail. Même s'il y a beaucoup moins de lignées de Corgis qui travaillent en Europe, Milou a prouvé que l'instinct était conservé et sa volonté de faire plaisir à son conducteur est évidente. Ce n'est pas rien. Ce désir de vouloir contrôler le troupeau (que l'on peut déjà remarquer à la maison quand le chien fait preuve d'une nature volontaire) est essentiel pour un berger. La confiance du chien en lui-même, sa capacité à prendre des décisions de façon autonome et sa capacité à travailler sous pression sont des éléments majeurs chez le chien qui travaille. Ils doivent constamment prendre des décisions à la seconde près.

Milou a remplit les critères du standard de la race, elle est jolie, solide et bien typée. Ses examens de santé satisfont aux critères du PWCCA et elle a produit ici une portée de qualité. Tout cela est aussi important pour moi que le fait que sa conformation et sa solidité lui permettent d'accomplir le job pour lequel la nature et l'homme ont sélectionné les Corgis: conduire le troupeau. A l'origine le Welsh Corgi Pembroke était un chien utile et polyvalent à la ferme. Milou n'a jamais boîté une seule fois, n'a jamais montré de signe de faiblesse ou de stress. Son mouvement est toujours resté fluide, sa ligne de dos solide comme le roc et ses petits pieds parfaits ont absorbé les chocs du sol comme il faut. Bien que ses jarrets soient très courts (mais ô combien mignons), ils restent de bonne proportion avec l'ensemble, permettant ainsi à ce petit chien compact de rester efficace. Au bout du compte, le plus petit chien engagé sur ces épreuves de San Diego était aussi le plus agréable à regarder et le plus sympa avec tous ceux rencontrés. Et côté mental, elle a du courage (les moutons vous mettent parfois à rude épreuve), de la gentillesse (ne cherchant pas à les mordre), elle est obéissante et cherche à faire plaisir. Bien que le standard ne décrive pas les Corgis dans les termes que j'emploie, je pense que Milou est quasiment parfaite à tous ces points de vue. Je vois en elle le potentiel pour continuer à progresser et obtenir de nouveaux titres selon le cursus de travail AKC, pas seulement en troupeau, mais aussi en obéissance. Et elle continue à remplir pleinement son rôle à la ferme.

Je sais qu'un jour Milou sera heureuse de rentrer dans sa famille en France. Je parie qu'alors, dans son sommeil, quand elle fera ces petits "woof" et que ses petites pattes s'agiteront, elle ne sera pas en train de compter les moutons, mais de leur courir après. Et pas loin d'elle, dans ce rêve, il y aura une femme avec un accent du sud, qui l'appellera en anglais: " Bonne fille Milou, ça c'est une bonne fille!".

On peut lire l'intégralité du règlement des épreuves sur troupeau AKC en consultant ce lien: AKC Herding Regulations (PDF)

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Vicki Northway élève sous l'affixe DRIFAN et est un membre actif du Pembroke Welsh Corgi Club of America (PWCCA) ainsi que Golden Gate Pembroke Welsh Corgi Club. Elle entraîne chez elle des chiens au troupeau. Pendant 6 ans, elle s'est occupée de la section des disciplines canines sportives le PWCCA et sa revue, et a obtenu plus de 22 titres sur troupeau avec des Pembrokes. A la Nationale d'Elevage Pembroke américaine, elle a remporté 6 "High in Trial" (distinction spéciale accordée lors d'une compétition troupeau) avec 4 chiens différents.

Tiré du Bulletin du Corgis Club de France (No. 69, été 2014) avec l'aimable autorisation.
Photos: Pat Seifert, CAAMORA Pembroke Corgis

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www.welshcorgi-news.ch
07.01.2015